Couverture santé universelle: Comme un accouchement difficile
De 1981 à ce jour, revue du chemin parcouru et des prochaines étapes de ce projet présidentiel lancé le 12 avril 2023.
Par Guy Martial Tchinda
En rêvant de la « santé pour tous à l’horizon 2000 », les autorités camerounaises voyaient sans doute un pays où l’accès équitable aux soins de santé de qualité est garanti pour tous les citoyens. Aussitôt, cette vision de l’Organisation mondiale de la santé adoptée à l’unanimité par son Assemblée générale le 7 avril 1981 est partagée. Elle suppose en effet la disponibilité des soins de santé de qualité sur toute l’étendue du territoire national, mais également l’organisation du financement de la demande de soins afin que chaque individu puisse accéder aux soins de santé en cas de besoin, sans être confronté à des difficultés financières ou basculer dans la pauvreté.
Le projet est louable car seulement 6,46% de la population est couverte par un mécanisme de protection sociale et les dépenses des ménages pour le financement de la santé jugée trop élevées, soit 70%. Seulement, le rêve ne se réalisera jamais. Apparue quelques années plus tard, la Couverture santé universelle (Csu) tente de sauver les meubles. Les objectifs de la politique de « santé pour tous à l’horizon 2000 » sont exhumés et accolés à ce nouveau projet.
Jusque-là, les choses ne n’avancent pas beaucoup. Il faudra attendre l’arrivée à la tête du ministère de la Santé publique en 2007 de André Mama Fouda pour voir démarrer quelques années plus tard des activités y relatives. En 2015, un groupe technique interministériel est créé pour conduire le processus et faire des propositions au gouvernement.
Trois années de réflexions suffiront à cette entité pour rendre copie. « Nous avons pensé à un paquet de 185 services et soins, et 110 sous-interventions. 70% de nos problèmes sont réglés dans cette Csu », affirmait le 13 novembre 2018 le président de ce groupe de travail, André Mama Fouda, alors ministre de la Santé publique. Déclaration faite au sortir d’un séminaire de sensibilisation des députés et sénateur sur l’état d’avancement du dossier Csu.
« Les personnes vulnérables sont prioritaires parce que leurs problèmes seront pris en charge intégralement (les enfants de 0 à 5 ans, les femmes enceintes…) », avait-il précisé. En ce qui concerne les contributions, « Au stade d’aujourd’hui, des principes ont gouverné nos réflexions. Il y a le principe d’équité : personne ne doit être exclu des soins dès le moment où on est dans le paquet de base, ceux qui gagnent plus paient plus et ceux qui gagnent moins paient moins mais accèdent tous au même niveau de soins. Deuxièmement, il y a la solidarité dans ce sens que nous devons tous être dans ce dispositif sans exclusion, d’où la nécessité de légiférer. La contribution et l’affiliation doivent être obligatoires », rassurait André Mama Fouda.
Mise en œuvre
Mama Fouda est éjecté de son siège de ministre le 4 janvier 2019 et remplacé par Malachie Manaouda. Le nouveau patron de la santé a à cœur de mener ce projet à terme. L’on projette alors le début de la mise en œuvre pour 2021. Une implémentation censée allée crescendo. Le scénario tracé par la direction de la promotion de la santé prévoit que la première phase s’étende jusqu’en 2025, avec pour cible les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et les patients couverts par les programmes de santé publique tels que la tuberculose, le paludisme, etc. La prochaine phase quant à elle est censée aller de 2026 à 2030, elle va inclure dans le processus, les enfants de cinq à 15 ans, et les personnes âgées tandis que la 3e phase débutera en 2030 et pour couvrir l’ensemble de la population.
Le 27 août 2020, au nom du gouvernement, le ministre de la Santé publique, Malachie Manaouda, signe une convention de partenariat avec Santé universelle au Cameroun SA (Sucam SA) pour la mise en œuvre de la Csu. Le marché est conclu pour une durée de 17 ans. Cette société anonyme de droit camerounais est chargée de l’implémentation du système de la Csu au Cameroun (financement, conception, la construction, l’exploitation et la maintenance) et de la réalisation de toutes les opérations commerciales et financières y afférentes.
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Elle devra de collecter les contributions sociales du secteur informel ; de mettre en commun les fonds dédiés à la gestion de la Csu. Bien plus, elle est chargée du conventionnement des formations sanitaires publiques et privées ; du contrôle médical et du paiement des factures des prestataires agrées ; du suivi et de l’évaluation des prestataires de soins et services de santé.
La date de démarrage prévue connaîtra malheureusement un glissement pour 2022. Entretemps, Sucam s’active sur ce vaste chantier. Le 16 septembre 2021, l’entreprise fait le point et estime le taux de réalisation à 70%. « Nous avons suffisamment travaillé sur les bureaux d’enrôlement. Sucam a déployé une stratégie pour s’assurer qu’aucune région ne soit laissée de côté. Notre matériel sera déployé dans tous les coins », explique le Dr Dongmo, directeur des programmes à Sucam. Selon lui, 1500 stations d’enrôlement ont été installées dont 500 stations fixes et 1000 postes mobiles. Dans la même veine, une vingtaine de véhicules et motos ont été acquis pour permettre d’atteindre les populations, même dans les coins reculés.
Malachie Manaouda est alors convaincu du démarrage imminent. « Nous entendons expérimenter la Csu au cours de l’année 2022 », promet-il le 1er décembre 2021 au sortir de son exposé face à la commission du budget de l’Assemblée nationale. Sauf que 2022 ne verra pas débuter la Csu. Les choses deviennent de plus en plus concrètes vers la fin de cette année, mais l’on entend de moins en moins parler de Sucam. Mais le divorce n’est pas officiel. Le projet est désormais piloté par la cellule technique nationale Csu.
Les séances d’hémodialyse à 15000 par an
Le point de non-retour est finalement atteint le 12 avril 2023 avec le lancement effectif de la phase 1 de ce projet tant attendu. Pour cette première phase, la Csu prendra en compte les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, mais aussi toutes personnes souffrant des maladies telles que la tuberculose et le Vih. En plus de ces maladies déjà prises en charge gratuitement au Cameroun, la Csu va également bénéficier à tout malade souffrant d’insuffisance rénale. En effet, elle devrait prendre en charge toutes les séances d’hémodialyse de ces patients, moyennant un taux forfaitaire de 15 000 Fcfa. Un véritable soulagement pour ces patients dont plusieurs meurent faute de moyens pour la prise en charge.
Après ce lancement l’on devrait voir se poursuivre dans les prochains jours les opérations d’enrôlement, mais surtout l’administration des soins aux bénéficiaires. De même, le ministère de la Santé publique devrait accentuer la sensibilisation pour mieux faire connaître le projet au grand public. Reste également attendue une loi devant encadrer ce processus.
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