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Actu - 2 semaines ago

Stéphane Bonamy: Les années de conflit dans ces régions continuent de rendre difficile l’accès sûr aux services essentiels

Le chef de la délégation régionale du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour l’Afrique centrale parle des réalisations de cette organisation humanitaire dans les zones en proie aux violences armées au Cameroun en 2024 et les défis d’accès à l’aide humanitaire.

Le CICR vient de publier son édition 2024 des faits et chiffres. Quels sont, selon vous les faits les plus saillants ?

Ce qu’il y a de plus saillant, ce n’est pas la réalité froide des chiffres, mais les histoires qu’il y a derrière, c’est ce que représentent ces chiffres qui est important. En 2024 principalement dans les zones les plus vulnérables de l’Extrême-Nord par exemple le CICR a distribué 202 500 KG de semences vivrières, vacciné plus d’un million de petits ruminants et de volailles, et soutenu près de 20 000 ménages avec des vivres, des articles de première nécessité, des transferts de cash pour plus d’un milliard Fcfa, des outils agricoles.

Le CICR a également facilité un meilleur accès à l’eau potable pour plus de 68 000 personnes. Ces exemples mettent en valeur l’extrême vulnérabilité et la souffrance des populations déplacées et hôtes qui vivent dans les zones impactées conjointement par la persistance des conflits et la sévérité du climat, entre inondations et sécheresse. Ces chiffres mettent aussi en valeur l’espoir que nos actions leur apportent. Ces populations ne sont pas oubliées et nous luttons tous les jours pour leur redonner une autonomie et renforcer leur capacité à faire face.

Un autre chiffre, une autre réalité. En 2024, 171 523 patients dont 83 829 enfants de moins de 15 ans, ont bénéficié de soins de santé dans 13 centres de santé soutenus par le CICR. Derrière ces chiffres, ce sont des femmes et des enfants, des hommes et des vieillards, qui, dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, ont par exemple retrouvé un accès sûr à des soins de santé.

A Mbiame, par exemple, les consultations ont passé de moins de 200 par mois à plus de 1 000 depuis que le CICR est intervenu. Les années de conflit dans ces deux régions continuent de rendre l’accès sûr aux services essentiels difficiles pour les populations. Les menaces contre le personnel de santé, contre les patients eux-mêmes, les destructions ou les dommages causés aux centres de santé, les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement, la non-gratuité des soins dans un contexte de vulnérabilité économique croissante sont autant de causes qui ont un impact majeur sur la santé des populations.

S’il fallait retenir de ce que vous venez de citer un fait ou un chiffre qui représente le plus grand succès du CICR en 2024, ce serait lequel, selon vous ?

Ce que je retiens, c’est que le CICR continue de mettre au centre de ses préoccupations et de son action l’amélioration des conditions de vie pour les populations. Ce sont ces dernières qui trop souvent paient le prix lourd du non-règlement politique des conflits. Les populations avec lesquelles nous nous entretenons dans le Nord-Ouest ou le Sud-Ouest nous partagent leur angoisse d’être prises constamment au milieu et d’avoir à faire des choix pour leur survie qui quels qu’ils soient les exposent à des risques importants.

Il m’est difficile cependant de parler de succès, parce qu’un soutien ici, un sourire par-là, une vie sauvée ne peut que limiter, mais pas faire cesser les conséquences de situations de violence qui perdurent et déstructurent le tissu social de manière profonde. Dans l’Extrême-Nord, et en particulier dans les zones frontalières et autour du bassin du Lac Tchad, à l’insécurité se sont rajouté les aléas climatiques. Cette combinaison de facteurs négatifs a un impact majeur sur les conditions de vie des populations civiles et cela s’est aggravé avec les années qui passent. Une fois de plus, nos actions humanitaires, aussi grandes soient-elles, sont limitées dans le temps et dans leur étendue. Elles ne peuvent pas apporter une solution durable si les problèmes de fonds ne sont pas adressés dont la responsabilité revient à d’autres acteurs.

Au regard de ces chiffres, diriez-vous que vous avez été plus présent aux côtés des victimes de conflits armés ou plutôt moins ? Pourquoi ?

La délégation régionale du CICR à Yaoundé a eu un taux de mise en œuvre de 100% en 2024, c’est-à-dire que ce que nous avons planifié en 2024, nous l’avons réalisé complètement. A ce titre, et comme le CICR ne trouve son sens qu’auprès des personnes les plus vulnérables dans les conflits armés, ce taux de réalisation démontre que notre proximité avec ces populations est plutôt bonne. Il y encore quelques points d’amélioration, notamment dans l’accès aux personnes détenues en raison des conflits, mais globalement le CICR se trouve là où nous devons nous trouver sur la base de son mandat et des attentes des pays qui nous l’ont octroyé.

Selon les faits et chiffres 2024, l’aide du CICR a bénéficié à plusieurs milliers de personnes. Comment le CICR s’organise-t-il pour atteindre autant de bénéficiaires ?

Nous avons au Cameroun quatre bureaux décentralisés, à Kousséri, Maroua, Buea et Bamenda. Les équipes dans ces bureaux identifient les zones dans lesquelles se trouvent les plus vulnérables en raison de la violence armée. D’autres facteurs de vulnérabilités peuvent s’y rajouter comme la récurrence d’événements climatiques. C’est sur la base de cette identification, et sur la prise en compte des ressources à disposition et de notre sécurité, que des plans d’action sont alors élaborés pour répondre aux vulnérabilités les plus prioritaires.

La priorisation des besoins se fait sur la base d’échanges avec les communautés, les autorités traditionnelles, les volontaires de la Croix-Rouge camerounaise. Ces échanges nous permettent de comprendre les facteurs de vulnérabilité dans ces zones affectées par les conflits et d’adapter notre réponse aux besoins. Nous travaillons toujours en parallèle pour nous assurer que la présence et les actions du CICR soient toujours comprises en toute transparence et pour ce qu’elles sont, à savoir des actions strictement humanitaires.

A ce sujet, un point qui est également essentiel pour nous permettre de garantir notre accès et notre acceptation, c’est le respect strict de nos principes fondamentaux et en particulier la neutralité et l’impartialité. La neutralité signifie que le CICR, et tous les autres partenaires du Mouvement de la Croix-Rouge, ne se mêle pas de politique et ne prend pas part à des controverses de quelque ordre que ce soit. Quant à l’impartialité de notre action, elle signifie que seule la vulnérabilité nous guide dans nos démarches, et non pas l’appartenance religieuse, ethnique, politique, ou tribale de telle ou telle communauté. Ces principes ne sont pas des injonctions, des mots derrière lesquels nous nous cachons. Ce sont des principes actifs que nous tournons en réalité tous les jours qui nous permettent d’être au plus proche des populations dans des situations difficiles.

Des défis pour faire parvenir l’aide humanitaire ?

Les défis ne sont jamais très loin. La sécurité est le premier de mes soucis comme chef de délégation. La mort d’un de mes délégués en 2021 à Bamenda m’a marqué tout comme l’ensemble des équipes. Nous réévaluons constamment nos cadres sécuritaires. Le défi actuel le plus important toutefois est lié au degré d’incertitude qui existe dans l’action humanitaire et sa capacité à continuer à répondre aux besoins. C’est particulièrement le cas dans l’Extrême Nord avec un niveau d’insécurité alimentaire qui ne cesse de s’étendre.

Pour relever ce défi, nous avons besoin de plusieurs choses : une coordination efficace et transparente entre les différents acteurs impliqués dans la réponse, le soutien des bailleurs, la facilitation des autorités. D’autres défis sont également logistiques et liés à l’accès physique, en particulier dans les zones éloignées et périphériques. Les conditions de route peuvent par exemple compliquer la capacité de l’aide humanitaire à parvenir aux populations les plus vulnérables. C’est particulièrement le cas en saison des pluies.

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