Thaddée Xavier Owona Bidi: Un rêve de docteur
Inscrit en thèse au département de sociologie à l’Université de Yaoundé I, cet étudiant victime de handicap souhaite devenir une référence scientifique.
Thaddée Xavier Owona Bidi fait sans doute aujourd’hui la fierté de sa famille. Agé de 36 ans, il est inscrit en thèse de doctorat au département de sociologie à l’Université de Yaoundé I, option sociologie du développement. Son rêve, terminer sa thèse avec une mention honorable au minimum, être intégré sur le plan socioprofessionnel et devenir une référence, non pas comme personne vivant avec le handicap, mais comme une référence scientifique. « J’aimerais également constituer une référence pour les personnes vivant avec le handicap afin qu’elles sachent à travers mon parcours que même dans une société comme la nôtre où trop d’absurdités sont dites dans l’urgence sur elles, l’urgence de l’ignorance pour reprendre Achille Mbembe, que c’est possible d’être une personne handicapée, faire montre de valeurs intrinsèques et d’être intégrée », souhaite-il.
Un rêve qu’il accomplira certes, mais après de nombreuses batailles. Thaddée Xavier Owona Bidi vient en fait de loin. Il est frappé de handicap depuis 1992 à la suite d’un accident de grenade à l’école catholique saint Joseph de New-ton à Kribi. A cette époque, il est élève en classe de CE1 « A la suite de cet accident, j’ai perdu mon bras droit au 3/4, l’usage de mon œil gauche et une amputation de l’auriculaire de ma main gauche », se souvient-il. Depuis lors, ce natif de Mvengue dans le département de l’Océan, région du Sud a été confronté à bien de difficultés. « Ça n’a pas été facile de poursuivre les études. D’abord j’ai dû m’adapter à mon handicap, me resocialiser à l’usage du bras gauche vu que j’étais droitier. C’est au centre Prohandicam que j’ai pu y arriver, après avoir commencé par apprendre l’écriture braille », explique-t-il.
Après quelques années à Prohandicam, il retourne à Kribi où il obtient successivement sont Certificat d’études primaires élémentaires (Cepe), son Brevet d’études du premier cycle (Bepc), son probatoire et son baccalauréat, non sans avoir abandonné l’école à un moment donné pour des raisons financières. Il finit par intégrer l’université en 2011, deux ans après l’obtention du baccalauréat grâce aux encouragements et appuis financiers des âmes de bonne volonté.
Sa détermination à déconstruire les représentations sociales liées au handicap et à l’imagologie du « handicapé incapable » et nécessairement voué à la mendicité le pousseront à persévérer malgré les obstacles. Obstacles liés non seulement au handicap, mais aussi à la précarité du réseau familial et aux aléas du milieu scolaire et universitaire. En réalité, « Les représentations sociales sur le handicap ont longuement constitué un facteur handicapant, corrélé au regard des autres et avec une situation financière très précaire, vous avez là tous les ingrédients réunis pour abandonner. Mais j’ai toujours bénéficié de la bienveillance divine, des encouragements constants de certaines personnes comme Sandra Rimoh de Sightsavers, de la famille et des amis », soutient-il. En plus de cela, « j’ai fait montre d’opiniâtreté, d’abnégation et j’ai dû constamment être en conflit avec moi-même et mon environnement immédiat, et me faire violence tous les jours pour non seulement ne pas abandonn
er, mais également ne pas baisser les bras », renchérit-il.
D’autres facteurs lui sont favorables pour la poursuite de ses objectifs. Il s’agit, notamment « du fait d’avoir depuis le Master II d’abord, être inscrit en thèse ensuite, et enfin bénéficier de la constante sollicitude des encadreurs qui m’encouragent sans cesse. La famille également a réussi à changer de regard et à déconstruire ses schèmes de perception en acceptant finalement qu’une personne handicapée peut être capable de se hisser à ce niveau », se réjouit-il. Aujourd’hui encore, comme hier, il remercie le Seigneur et le prie tous les jours pour qu’il fasse en sorte que ses passions et mes pulsions ne prennent pas le pas sur mes ambitions.
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