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Santé & Env - février 12, 2023

Maladies tropicales négligées: Ils racontent leurs misères

Entre railleries, éviction et stigmatisation de toutes sortes, l'entourage de ces patients dont certains sont devenus handicapés du fait de la maladie leur mène la vie dure. Le cri de détresse de ces pères de familles traités parfois injustement de sorciers par leurs proches.

Par guy Martial Tchinda

Robert Ohandja: 25 ans de souffrance

Robert Ohandja

Ses malheurs commencent lorsqu’il prend sa retraite, il y a plus de 25 ans. Dès son retour dans son village, Robert Ohandja sera mêlé à une affaire de conflit foncier. Quelques temps plus tard, il sera surpris de voir son pied droit prendre progressivement du volume à partir de 1998. « J’ai immédiatement pensé à la sorcellerie », lâche-t-il. Après nombre de visites chez des tradipraticiens qui sont restés incompétents face à ce problème, il sollicitera finalement l’hôpital général de Yaoundé, mais il sera déçu car la pléthore d’examens ne permet de diagnostiquer aucun mal.

Le natif de la Lekié qui dit avoir perdu des cheveux du fait de la chimiothérapie subie dans un hôpital retournera au village, un peu déboussolé. « Mes frères me traitaient de sorcier, d’autres ne m’acceptent plus chez eux. Les gens me repoussent et pourtant, quand je travaillais, j’avais une très grande famille. Beaucoup se sont dispersés aujourd’hui », déclare-t-il. Plus tard, il verra passer dans son village une équipe médicale qui commence à lui donner du mectizan, non sans l’encourager à garder espoir ; l’espoir d’une possible guérison.

Même s’il n’est toujours pas guéri, ce père de famille qui souffre en réalité d’un éléphantiasis indique que la douleur a baissé grâce aux médicaments qu’il reçoit de cette équipe médicale bienfaitrice. Il implore le gouvernement de trouver une solution durable à son problème, lui qui est quotidiennement stigmatisé et rejeté, y compris par ses proches. « Je demande au gouvernement à rechercher une solution. Actuellement, il y a dans mon village des personnes qui ont des pieds plus gros que le mien », conclut-il, lui qui soufflera sa 75e bougie en mai prochain.

Henri Aimé Eto’o: Stable mais invalide

Henri Aimé Eto’o

Henri Aimé Eto’o traîne avec lui une maladie dont il ne s’explique pas toujours la cause 15 ans, après le début. « Je croyais avoir eu une foulure au pied pendant le sport. J’ai donc commencé à traiter avec des baumes, mais le pied ne faisait qu’enfler », explique le quinquagénaire. Son pied qui commence à noircir et qui ne lui permet plus de mettre des chaussures finira par avoir des blessures apparentes.

Dans des hôpitaux, Henri Aimé Eto’o ne trouvera pas de solution à son problème, malgré la bonne volonté de ses médecins traitants. Soupçonnant le poison, ce père de famille s’en remettra aux prières sur conseil de ses proches. « Mon fils qui est médecin m’a demandé de retourner à l’hôpital et c’est finalement à l’hôpital central de Yaoundé qu’on me diagnostique les filariose lymphatique. Malheureusement, cette maladie m’avait déjà sérieusement bouffé le pied si bien que j’avais perdu le sommeil », renseigne Henri Aimé Eto’o.

Aujourd’hui, grâce au traitement qu’il suit depuis quatre mois dans cet hôpital, son mal s’est stabilisé, mais il laisse de nombreuses séquelles. En plus de nombreuses dépenses, la maladie a eu des conséquences irréversibles sur la vie de cet ancien chauffeur de camion qui était autrefois sportif. « J’ai perdu 30% de ma valeur physique. Je ne fais plus sport, je ne sors plus avec des amis. J’ai perdu toute collaboration avec certains amis », déplore-t-il. Ce n’est pas tout. La maladie l’a affecté jusqu’à sa vie conjugale. « J’ai perdu ma femme il y a cinq ans et aujourd’hui toutes les autres se méfient de moi. Elles pensent même que j’ai le Sida », lance-t-il. Henri Aimé Eto’o qui ignore toujours l’origine de sa maladie invite le gouvernement à agir efficacement pour y mettre fin.

Patrice Mossolo: Sauvé de justesse

Patrice Mossolo

Patrice Mossolo voit encore bien aujourd’hui, mais il y a longtemps qu’il aurait perdu la vue. Le natif de Monatele n’a vu sa vue maintenue que grâce à la prise régulière du mectizan. « J’ai 72 ans, je vois et je lis grâce au mectizan », se réjouit-il. Comme de nombreuses personnes de sa localité d’origine, ce septuagénaire victime d’onchocercose depuis de longues années. Il a eu la vue sauve, mais plusieurs dans son entourage n’ont pas eu la même chance.

« Nos parents et grands-parents perdaient la vue, ils avaient des plaques sur la peau comme la gale, ils avaient des démangeaisons, etc. Nous croyions que c’était la sorcellerie qui les rendait comme ça alors que ce n’était pas le cas. Après des recherches, nous nous sommes rendu compte que c’était l’onchocercose. On leur administrait un traitement autour des années 1985 qui ne marchait pas et plus tard l’on a eu le mectizan », se souvient-il. « Par la suite, des médecins ont été formés sur la prise en charge des malades, les modalités de visite, etc.. Cinq ans après, le nombre de personnes non voyantes a diminué », renchérit Patrice Mossolo.

Patrice Mossolo qui a été sensibilisé sur la maladie attribue son origine aux Simulies, mouches noires localement appelées « mout-mouts » et dont les piqûres qui laissent quelques fois des petites taches rouges, transmettent de nombreuses maladies. Il remercie d’ailleurs le ministère de la Santé publique pour des actions menées pour l’éradication de l’onchocercose, mais en redemande encore.

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