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Santé & Env - octobre 11, 2023

Dr Laure Menguene: Il y a une insuffisance des ressources humaines et financières

La sous-directrice de la santé mentale au ministère de la Santé publique fait un état des lieux de la santé mentale au Cameroun et parle des difficultés rencontrées dans la promotion de celle-ci.

La Journée mondiale de la santé mentale a été observée hier, 10 octobre. Et à l’occasion, le ministère de la Santé publique a organisé, en collaboration avec l’Association des journalistes scientifiques et communicateurs pour la promotion de la santé, une conférence de presse à Yaoundé, à l’effet de mieux édifier les Hommes de médias. Quelle différence faites-vous entre la santé mentale et la maladie mentale ?

La Santé Mentale est un état de bien être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions de la vie, accomplir un travail productif et fructueux ou contribuer à la vie de la communauté. A l’opposé, la maladie mentale est une affection qui touche l’aspect intellectuel, affectif et comportemental. A l’hôpital Jamot de Yaoundé, le diagnostic le plus récurrent c’est la dépression et elle a pour corolaire le suicide.

Quel est l’était des lieux de la santé mentale au Cameroun ?

Au Cameroun, on compte un peu plus de 27 millions d’habitants qui se répartissent sur une mosaïque culturelle de plus de 200 ethnies. Tout ceci peut expliquer la diversité de représentations, de compréhension, d’attitudes et de réactions vis-à-vis des questions de santé mentale, au carrefour de la science, de la religion et de la culture. Malgré l’insuffisance de données statistiques, les problèmes de santé mentale touchent toutes les populations camerounaises : nourrissons, enfants, adolescents, jeunes, et personnes âgées.  L’abus des substances psychoactives, des drogues et de l’alcool par les jeunes, font de cette tranche de la population, la plus vulnérable et la plus affectée par les problèmes de santé mentale au Cameroun. L’arrivée massive des réfugiés dans les régions de l’Est et de l’Extrême-nord du pays, la Guerre contre la secte terroriste Boko-Haram, la situation de conflit dans le NOSO, la survenue des catastrophes et des accidents mortels etc…, ont amené le Ministère de la Santé à la pleine mesure des problèmes de santé mentale dans le pays.

En 2019, les professionnels se plaignaient d’une absence de chiffres. En existe-t-il aujourd’hui, du moins en ce qui concerne les problèmes les plus rencontrés à l’instar de la dépression, la psychose et la consommation des drogues ?

La dépression constitue l’une des causes les plus récurrents des troubles mentaux de nos jours. On a enregistré plus de cas enregistrés en 2022 sur le plan national (7994 cas), par rapport à 2021 (6144) et 2023 (4635) plus précisément dans la région du Nord-Ouest.

Pour ce qi est de la psychose, on a 15 565 cas enregistrés en 2022 avec 5 664 cas dans la région du centre et 4694 dans la région du Nord-Ouest, généralement d’origine multisectorielle ou combinant plusieurs facteurs de vulnérabilités  au sein des populations.

Pour la consommation des drogues qui sont un problème majeur de santé mentale dont les répercussions concernent la santé physique et psychologique 3183 cas en 2021 et 3166 en 2022, avec le nombre de cas le plus élevé dans la région du centre soit 1543.

Vous avez parlé plus haut d’une diversité de perceptions de la maladie mentale au Cameroun ? Ces perceptions sont-elles toujours positives ? 

La maladie mentale dans la société camerounaise conduit toujours à la stigmatisation des patients et au rejet de ces derniers. Elle est souvent considérée comme la maladie de la honte, un sort jeté, une maladie mystique. Parfois les victimes sont accusées d’être responsables de leur situation, car ayant rompu le pacte signé avec le diable. L’ignorance et les considérations faites autour des maladies mentales ont limité l’accès aux soins médicaux modernes. Les patients  vont d’abord chez les tradipraticiens, voire auprès des églises « dites de réveil » et des prêtres exorcistes pour conjurer le mauvais sort. Ce qui crée un retard considérable pour la prise en charge.

Qu’en est-il des ressources humaines ? Y’en a-t-il suffisamment pour prendre en charge toutes les personnes qui font face aux problèmes de santé mentale ou encore à la maladie mentale ?

Les ressources humaines restent insuffisantes. Au Cameroun, nous avons 15 Psychiatres dont trois exercent en clientèle privée ; environ 200 infirmiers spécialisés  en santé mentale ; 30 psychologues cliniciens en activité en privé ; de nombreux prestataires socio-sanitaires. En dépit du nombre insuffisant en ressources humaines, le problème de formation initiale et continue se pose avec acuité ; la Faculté de Médecine de l’Université de Yaoundé 1 forme environ 3 à 4 médecins psychiatres par an ; plusieurs écoles de formation d’infirmiers spécialisés en santé mentale, forme environ 50 personnels en moyenne par an. Toutefois, ce nombre reste insuffisant par rapport à la demande actuelle.

A côté de cette insuffisance de ressources humaines, il faut dire que les ressources financières publiques allouées à la santé mentale restent aussi insuffisantes, ce qui favorise une dépendance aux financements extérieurs. Bien plus, la santé mentale demeure  l’un des parents pauvres de la santé en termes de financement. Moins de 1% du budget de la santé Publique lui est accordée.

Quelles difficultés rencontre-t-on dans la prise en charge de ces problèmes ?

On a des difficulté d’approvisionnement en médicaments essentiels en santé mentale, par la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments et consommables médicaux essentiels (Cename) ; il y a un vaste réseau de vente illicite de médicaments (psychotropes) ; la formation des ressources humaines est insuffisante à tous les niveaux. On a en outre une insuffisance de collaboration multidisciplinaire, de la recherche opérationnelle ; une insuffisance du système de surveillance, de suivi et d’évaluation ; la persistance de la stigmatisation et du non-respect des droits des personnes atteintes de maladie mentale, et bien d’autres.

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